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HADOPI : la première blague est arrivée

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Cette loi n’est donc pas la « loi des majors », c’est la loi de tous les créateurs et des jeunes talents. C’est la loi de l’exception culturelle française.
— Christine Albanel, Ministre de la Culture, devant le Parlement, le 11 mars 2009.

Ca y est, on l’attendait avec impatience, une première victime vient de se prendre un grand coup de couteau à beurre de la HADOPI. 150 € pour avoir téléchargé quelques titres de Rihanna. Que ce soit au niveau de l’artiste, des faits, comme de la peine, cette affaire est catastrophique symboliquement pour la HADOPI et démontre – s’il le fallait encore – l’absurdité de la loi Création et Internet. C’est un véritable boulet que traînait le précédent gouvernement et que l’actuel continue de traîner bêtement.

Premièrement, sur l’artiste « lésée » par le téléchargement : il s’agit de Rihanna, une barbadienne ayant émigré aux Etats-Unis à 16 ans. Déjà, sans être spécialement calé en géographie ou en droit de la nationalité, on se rend compte que ça paraît plutôt mal barré pour la défense de l’exception culturelle française. Ensuite, on apprend qu’en 2012, Rihanna a été notée 4e « Most Powerful Celebrity » par Forbes, et justifie de gains de 53 millions de dollars entre mai 2011 et mai 2012 ce qui, je pense, n’est pas exactement ce qui nous était vendu quand l’UMP et Christine Albanel parlaient de jeunes talents et d’une loi qui ne serait pas « celle des majors ».

Pour archive, vous trouverez ci-dessous une vidéo de Rihanna, effondrée par le partage de ses chansons, qui investit judicieusement dans la pierre et offre une maison à sa mère. L’oeil attentif remarquera l’absence de dauphin dans la piscine, ce qui est la preuve irréfutable du dénuement le plus complet des jeunes talents, conséquence du partage :

Ensuite, sur la condamnation. Non seulement le titulaire de la ligne n’est pas l’auteur du téléchargement — ce qui ne pouvait pas tomber plus mal pour une première condamnation — mais c’est bien lui qui est condamné pour « défaut de sécurisation ». Pour mémoire, le « défaut de sécurisation » est l’artifice juridique qui permet à la HADOPI d’exister. Comme on ne peut condamner quelqu’un pour les faits de quelqu’un d’autre (par exemple, mon voisin qui télécharge illégalement via mon accès Wifi que j’ouvre généreusement), la loi Création et Internet se base sur le fait que chacun doit être en mesure de sécuriser son accès, sans jamais expliquer comment faire et alors même que les services de l’Etat, que l’on ne peut suspecter d’amateurisme, n’y arrivent pas eux-mêmes. Le téléchargement illégal devient alors la preuve que la ligne n’est pas « sécurisée ».

En d’autres termes, le tribunal juge que l’homme n’a pas su sécuriser son accès à internet contre l’utilisation que pouvait en faire sa femme, et sans même que quelqu’un soit en mesure d’expliquer en quoi consiste cette sécurisation. Ce qui nous a valu ce bon mot de @Maitre_Eolas :

Finalement, sur la peine. 150 € pour quelques morceaux de Rihanna ? La peine que l’on nous avait vendue comme étant la plus dissuasive et la plus pédagogique, n’était-elle pas censée être la coupure de l’accès à Internet ? Cette peine avait même été maintenue, malgré la première censure extrêmement sévère du Conseil constitutionnel. Alors, pourquoi ce revirement qui sonne comme un aveu de l’inutilité de la loi et de l’inefficacité de sa peine marketing ?

En plus deux ans d’existence de la HADOPI, ce sont 14 personnes qui arrivent devant le tribunal. Pendant ce temps, le partage n’a absolument pas baissé, le cinéma continue de faire de bons chiffres, les CD et DVD se cassent toujours la figure et… plus personne n’achète de VHS ni de K7. Qu’une industrie pense qu’en espionnant et en tapant sur ses clients — car ceux qui partagent le plus sont aussi ceux qui achètent le plus, selon une étude de la même HADOPI — ils achèteront encore plus, était déjà surprenant. Car, mis à part le racket, je ne connais aucun autre système qui fonctionne ainsi. Mais que des politiques aient voté cette loi, la défendent encore et croient sérieusement qu’une répression aveugle des internautes changera quoi que ce soit, cela n’a aucun sens. Car, culturellement comme techniquement, cette loi était dépassée avant même d’être votée. C’était le cas hier, ça l’est encore aujourd’hui et ce le sera encore plus demain.

Alors, arrêtons les frais et l’acharnement thérapeutique au nom de la dignité culturelle. Supprimons la HADOPI et félicitons-nous d’avoir récupéré 12 millions d’euros par an. En plus, il paraît que c’est le moment de faire des économies.


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